Multiparcours – Sarah Chauvet

1.1 Déficits de la communication ou incompréhension?

Date: 09.04.2024

« Bonjour et bienvenue dans Multiparcours,

Le podcast qui met en lumière les parcours de personnes ayant un fonctionnement cognitif différent de la norme attendue. J’ai décidé de créer ce podcast afin de sensibiliser le plus de monde à ce sujet qui me tient particulièrement à coeur.

Je m’appelle Sarah. J’accompagne des personnes dont la société dit d’eux qu’ils souffrent d’un trouble: le trouble du spectre autistique, aussi appelé TSA.

Durant cette épisode, nous allons nous focaliser sur un des critères fondamentaux du DSM 5 qui détermine si un diagnostic de TSA est posé:

  • Les personnes ayant un TSA ont des déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés.

Ma traduction de ce critère est la suivante:

  • Les personnes autistes communiquent et créent des liens avec les autres d’une manière particulière

Pour illustrer cela, je vais vous partager deux situations qui associent mes connaissances théoriques avec mes expériences personnelles. Attention! Mes propos n’engagent que moi et non d’autres personnes autistes. Nos perceptions du monde peuvent être différentes et c’est ce qui en fait sa richesse selon moi!

Voici la première situation:

Je te salue et te demande si ça va et tu me réponds « oui » comme il est d’usage dans la société dans laquelle on vit.

Et voilà que mon cerveau part en vrille et émet un signal d’erreur, mais que se passe-t-il? Je ne comprends pas ta réponse. J’observe ton langage corporel; tes yeux sont rouges et tes paupières sont gonflées, ta bouche sourit à l’envers et ton corps est tout fermé. Mes observations n’arrivent pas au même résultat que toi. Je ne sais pas comment réagir et notre échange s’arrête là.

Tu aurais peut être aimé que je te demande: « Es-tu sur? ».

Je n’en sais absolument rien. C’est très difficile, voir impossible pour moi de deviner ce qu’il se passe pour toi. Je n’essaie même pas d’émettre des hypothèses car je sais qu’elles ont une probabilité élevée d’être erronées. Est-ce vraiment possible de déterminer ce qu’une personne vit intérieurement?

Avec le recul, j’analyse et cherche les paramètres qui m’ont manqués pour comprendre cette incohérence entre ton langage corporel et mes observations. J’appelle un ami pour lui demander. Je découvre que j’ai omis de prendre en compte le contexte, le lieu ainsi que la profondeur de notre lien. J’en prends note pour ma prochaine interaction en espérant que je ne l’oublierai pas.

Voici la deuxième situation:

Je te demande si « ça va? » et tu me réponds « oui ».

Wow mon cerveau est content! C’est cohérent avec mon observation: tu souris, tu as les yeux qui brillent et ton corps semble calme et posé! Je souris aussi et te dis que je suis heureuse quand la réponse à cette question est cohérente! Ton expression change. Et voilà que mon cerveau part en vrille à nouveau et émet un autre signal d’erreur, mais pourquoi ton émotion change? J’ose te le demander car je sais que le contexte, le lieu ainsi que la profondeur de notre lien me le permet (comme mon ami me l’a expliqué au téléphone). Tu m’expliques que tu es surpris car ma réaction est inhabituelle pour toi. J’avais oublié que normalement on n’est pas aussi heureux quand une personne nous répond « oui » à cette question et encore moins en évoquant la cohérence de sa réponse. Je célèbre que tu aies osé répondre à ma question et su y mettre des mots pour que cela fasse sens pour toi et moi. Je te le partage. Je note aussi ton retour, comme un petit cadeau, dans mon téléphone pour ne pas l’oublier dans une autre situation. Notre échange continue et notre lien se renforce au rythme de ces moments de connexion.

Après cette interaction, je prends un moment pour intégrer ce qu’il vient de se passer. Qu’est-ce que c’est agréable quand je peux comprendre l’autre car il ose exprimer sa perception du monde. Si c’est avec des mots clairs, précis et en cohérence avec son langage corporel; c’est encore mieux!

Est-ce que cela ne serait pas plus simple si tout le monde communiquait et interagissait de cette façon?

Mon cerveau redémarre et récupère.

Ces types d’incompréhension sont quotidiens pour moi. Heureusement, des personnes incroyables se sont trouvées sur mon chemin. Grace à elles, j’ai pu développer une profonde conscience de moi-même et de mes émotions; combiné à mon autodérision cela créé un mélange détonant!

Par contre, quand je suis fatiguée, ses ressources s’amenuisent, voir disparaissent si loin que j’y ai difficilement accès. Dans ces moments-là, je souffre profondément car le monde extérieur semble incompréhensible et imprévisible. Je dois puiser dans mes réserves d’énergie pour comprendre les normes sociales et les implicites de la majorité des personnes avec qui j’interagis.

Je me demande si les personnes autistes ont vraiment un déficit de la communication et des interactions sociales ou est-ce plutôt une incompréhension entre des perceptions du monde différentes? Je finis par cette interrogation afin que vous puissiez y répondre en fonction de la vôtre.

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Durant ce mois, un épisode par semaine sera publié. Les critères diagnostics du DSM 5 seront repris, illustrés et je vous laisserai la liberté de choisir si le trouble du spectre autistique est un trouble ou plutôt un fonctionnement cognitif différent. N’hésitez pas à me suivre pour en savoir plus. »

Sources:

  • Texte:
    • Crocq, M.-A., Guelfi, J. D., Boyer, P., Pull, C.-B., & Pull-Erpelding, M.-C. (Éds.). (2016). Mini DSM-5® : Critères diagnostiques. Publié par Elsevier Masson SAS, [2016].
    • Valeri, G., & Speranza, M. (2009). Modèles neuropsychologiques dans l’autisme et les troubles envahissants du développement. Développements, 1(1), 34-48. https://doi.org/10.3917/devel.001.0034

  • Photo: Lily (8 ans)
  • Musique: Zoo Day. Icons8. (s.d.). Consulté le 18 mars 2024, à l’adresse https://icons8.com/music/track/zoo-day–1

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