Multiparcours – Sarah Chauvet

1.2 Les sens: vecteurs de comportements ou connexion?

Date: 16.04.2024

« Bonjour et bienvenue dans Multiparcours,

Le podcast qui met en lumière les parcours de personnes ayant un fonctionnement cognitif différent de la norme attendue. J’ai décidé de créer ce podcast afin de sensibiliser le plus de monde à ce sujet qui me tient particulièrement à coeur.

Je m’appelle Sarah. J’accompagne des personnes dont la société dit d’eux qu’ils souffrent d’un trouble: le trouble du spectre autistique, aussi appelé TSA.

Durant cette épisode, nous allons nous focaliser sur une partie d’un des critères fondamentaux du DSM 5 qui détermine si un diagnostic de TSA est posé:

  • Les personnes ayant un TSA ont des comportements restreints et répétitifs.

Ma traduction est la suivante:

  • Les personnes autistes ont des sens qui sont hyper ou hypo sensibles.

Cela dépend de leur profil sensoriel. Leurs réactions ou non réactions seront à la mesure de l’intensité, de la tonalité ou de la fréquence du stimulus ressenti.

Pour illustrer mes propos, je vais vous partager une de mes journées, au rythme de mon système sensoriel.

Je me réveille avec le chant des oiseaux. Je suis émerveillée par la lumière du soleil qui fraye son chemin jusqu’au dessus de mon lit. Elle est si belle à cette intensité. J’ai envie de rester dans ce cocon de douceur…

Dans un élan de motivation, je me lève. Je me brosse les dents et profite du goût familier de mon dentifrice. Il m’indique le début de ma journée chaque matin. Attention, il ne faut surtout pas le changer! Autrement comment saurai-je quand ma journée a commencé?

Je m’habille et mange mon petit déjeuner. Je prends le temps pour me ressourcer avant l’ébullition qui m’attend.

J’entre dans le monde extérieur.

L’ébullition commence un peu plus vite que je ne l’avais prévu. Je suis assaillie par l’ultrason que mon voisin vient d’installer sur son balcon! ça me fait mal, si mal dans mes oreilles, que si elles pouvaient saigner elles le feraient! Je les protège avec mes doigts et les libère quelques mètres plus loin. Je continue à marcher et me retrouve dépassée par le bruit des voitures et leurs mouvements incessants. J’ai envie de retourner en arrière! Le niveau sonore et les stimuli visuels me déchirent l’intérieur. C’est si violent que je ressens mon corps qui se débat pour partir de cet endroit. Quelle terrible sensation interne!

Je fais le choix d’y rester quand même. Je mets mes écouteurs pour retrouver un semblant de calme. Je me focalise sur mes pieds et mes chaussures bien serrées pour continuer à avancer. Je sens le parfum rassurant de ma lessive qui provient de mes habits. Je me déplace un pied après l’autre. C’est bon, la partie de moi qui voulait partir s’est calmée…

J’aimerais bien vivre plus de sérénité dans ma journée. Pas vous?

Une personne âgée m’accoste et me dit « Vous n’avez pas froid? » Oups je n’ai pas regardé la température avant de partir! Il fait 0 degré, je suis en t-shirt et je n’ai pas remarqué. Je puise une partie de mon énergie pour ne pas déverser sur elle l’expérience interne que je viens de vivre. Je lui réponds gentiment que je vois qu’elle est inquiète pour moi et que j’ai un pull dans mon sac au cas où, promis!

Ma thermoception fonctionne d’une manière étrange. Ce système, qui est sensé m’indiquer la température, détermine que toutes celles-ci sont similaires sauf les extrêmes. Si je ressens le froid, c’est que j’ai atteint une température intérieure déjà bien trop basse. Cela m’est malheureusement déjà arrivé de devoir passer des heures à me réchauffer car je ne l’avais pas décelé.

J’effectue les derniers mètres qui me sépare de mon travail sans mes écouteurs. Un ancien collègue crie plusieurs fois mon nom. Je ne l’entends et ne le vois pas. Il se retrouve face à moi. Il me dit bonjour et m’offre son plus beau sourire.

Il s’avance pour me faire la bise. J’ai un moment de recul. Je me souviens que sa barbe ne pique pas trop et qu’il ne met pas de parfum… Je me détends et lui fais la bise. Nous échangeons un bref instant.

J’arrive à mon bureau et ferme la porte derrière moi. Qu’est-ce que ce calme fait du bien! Mes rendez-vous se succèdent jusqu’à la fin de ma journée de travail. Je suis contente car j’ai prévu de retrouver une amie et me réjouis de la voir! 

Ma montre connectée vibre. Je me frustre car je sais ce que cela veut dire. Elle m’indique que j’ai passé une journée éprouvante… J’ai un besoin urgent de me ressourcer en limitant le plus possible les stimulations sensorielles et sociales. Je suis triste et en même temps je sais, que si je l’ignore, la durée de ma recharge va s’allonger considérablement. J’écris à mon amie pour lui expliquer ce que je vis et nous convenons de se voir une autre fois.

Accompagnée par la beauté du coucher du soleil, je rentre chez moi. Je me demande si les personnes autistes ont vraiment des comportements restreints et répétitifs ou n’est-ce pas plutôt une profonde connexion à leur environnement?

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Durant ce mois, un épisode par semaine sera publié. Les critères diagnostics du DSM 5 seront repris, illustrés et je vous laisserai la liberté de choisir si le trouble du spectre autistique est un trouble ou plutôt un fonctionnement cognitif différent. N’hésitez pas à me suivre pour en savoir plus. »

Sources:

  • Texte:
    • Crocq, M.-A., Guelfi, J. D., Boyer, P., Pull, C.-B., & Pull-Erpelding, M.-C. (Éds.). (2016). Mini DSM-5® : Critères diagnostiques. Publié par Elsevier Masson SAS, [2016].
    • Cruveiller, V. (2019). Sémiologie sensorielle dans les troubles du spectre autistique : revue de la littérature. La psychiatrie de l’enfant, 62, 455-470. https://doi.org/10.3917/psye.622.0455

    • Valeri, G., & Speranza, M. (2009). Modèles neuropsychologiques dans l’autisme et les troubles envahissants du développement. Développements, 1(1), 34-48. https://doi.org/10.3917/devel.001.0034

  • Photo: Lily (8 ans)
  • Musique: Zoo Day. Icons8. (s.d.). Consulté le 18 mars 2024, à l’adresse https://icons8.com/music/track/zoo-day–1

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